À propos d’accroissement du trafic

Michel LAPLACE
Thématique : Les enjeux de circulation routière (trafic)
Date de création : jeudi 02 septembre 11:59
Bonjour,

En réponse à ma question du 16 août dont le titre était « Santé Publique France alerte sans ambigüité sur le risque d’exposition aux particules fines et très fines », vous contestez le fait que la variante A du tracé du shunt de Manissieux privilégiée par Vinci passerait à quelques dizaines de mètres des habitations riveraines. Mon affirmation ne faisait que s’appuyer sur le seul élément dont les citoyens (en particulier les riverains) disposent à ce jour, à savoir le tracé sur une photo qui figure dans votre dossier. Ce document ne serait-il pas fiable ?
Par ailleurs, pourriez-vous expliquer clairement la phrase suivante : « Les études techniques ultérieures s’attacheront à améliorer l’insertion du projet vis à vis des riverains » ?

La suite de votre réponse n’est pas plus compréhensible : « En second lieu, l’accroissement du trafic routier par l’élargissement relève du postulat et n’est pas démontrée. Au contraire, la création d’une troisième voie ramènerait, dans des conditions de circulation plus fluide sur A46 Sud, des véhicules qui empruntent localement des itinéraires secondaires moins adaptés (départementales, rues, …). Ces éléments participeraient alors à une diminution de leur trace carbone et de l’émission des particules nocives. Ces éléments sont présentés dans le dossier de concertation page 89 et suivantes. »

Je réfute votre réponse sur ce point précis car l’accroissement du trafic par l’élargissement d’une voie de circulation n’est nullement un postulat mais un constat d'organismes et de chercheurs spécialisés.

On peut citer :
http://heran.univ-lille1.fr/wp-content/uploads/Trafic-induit-A480.pdf

Extrait, page 1 :
"Pour gérer la circulation, les « ingénieurs trafic » ont progressivement mis au point des
modèles de plus en plus élaborés, capables notamment d’évaluer, en cas d’augmentation ou
de réduction de la capacité du réseau viaire, les reports de trafic à la fois dans l’espace (sur la
voie créée ou élargie ou à l’inverse sur d’autres voies), dans le temps (à l’heure de pointe ou à
l’inverse plus tôt ou plus tard) ou modaux (vers la voiture ou à l’inverse vers les autres
modes). Ces modèles dits à quatre étapes sont si sophistiqués, mobilisent tant de savoir-faire
accumulé en plusieurs décennies dans divers pays, reposent sur la collecte de si nombreuses
données, que leur concepteurs en sont légitimement fiers… et finissent par croire que leurs
modèles sont infaillibles. Et pourtant, ces modèles ne parviennent pas à tout expliquer.
Quand la capacité de la voirie est accrue (par une nouvelle voie ou l’élargissement d’une
voie existante) pour répondre à une demande (c’est-à-dire pour « fluidifier le trafic »), on
constate que l’infrastructure finit par attirer un trafic supérieur à ce qu’avait prévu le modèle.
Les scientifiques parlent de « trafic induit ». Ce n’est pas une théorie mais un simple constat
abondamment documenté.
À l’inverse, quand la capacité de la voirie est réduite (par fermeture d’une voie ou réduction
du nombre de files), on constate qu’une partie du trafic disparaît et que le modèle est
incapable de l’expliquer. Ce phénomène est l’exact symétrique du trafic induit et devrait donc
être appelé le « trafic déduit ». Mais l’expression « trafic évaporé » s’est imposée. Là encore,
ce résultat n’est pas une théorie mais un simple constat, maintes fois établi.»

Concernant le trafic induit :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Trafic_induit

On peut citer aussi :

http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/190206_-_note_infrastructures_routieres_-_delibere_cle7d21bf.pdf

Extrait, page 3 :

"Les études de trafic sont très importantes car elles alimentent la justification du projet et conditionnent
le calcul de nombreux impacts comme le bruit, la pollution atmosphérique ou les émissions
de gaz à effet de serre. Or, leurs résultats sont présentés de manière trop succincte et les
études elles-mêmes ne prennent presque jamais en compte les trafics induits par la création ou la
transformation de l’infrastructure, ni les reports modaux possibles."

Autre extrait, page 12 :

"L’évaluation des trafics en situation projet a fait également l’objet d’un grand nombre de recommandations.
Cette évaluation reste une faiblesse récurrente des études d’impact, sans évolution
notable depuis les premiers dossiers examinés par l’Ae.
En particulier, une grande majorité des dossiers d’élargissements routiers ou autoroutiers produisent
des études de trafic qui montrent que l’axe est actuellement congestionné mais font
l’hypothèse que le projet n’entraînera aucune augmentation de trafic. Ces dossiers considèrent
que l’élargissement n’entraînera aucun trafic induit, ce qui n’est quasiment jamais justifié [4, 5, 9,
10, 20 , 30, 40]13. Dans un contexte où les usagers des infrastructures utilisent progressivement
des systèmes de guidage évaluant en temps réel l’itinéraire le plus rapide en fonction de la saturation
des différents axes, cette hypothèse apparaît de moins en moins crédible. Il conviendrait a
minima d’intégrer aux dossiers des statistiques de retour d’expérience sur des élargissements
présentant des caractéristiques proches et de les comparer aux projections qui figuraient dans
leurs études d’impact.
L’Ae estime qu’une compilation de ce retour d’expérience portant sur tous les élargissements réalisés
au cours de la dernière décennie permettrait au moins de disposer d’éléments factuels pour
consolider des assertions non démontrées à ce stade."

De semblables constats sont faits à l’échelle internationale :

https://t4america.org/maps-tools/congestion-con/

dont l’étude est commentée par le site Le Guide de l’Auto :

https://www.guideautoweb.com/articles/54473/etude-elargir-les-autoroutes-ne-regle-pas-la-congestion/

Quelques extraits de cet article :

« Une nouvelle étude de l’organisme Transportation for America arrive à la conclusion que l’élargissement des autoroutes, bien que bénéfique à court terme, ne règle pas la situation à long terme.
Quelques chiffres, d’abord. Entre 1993 et 2017, les plus grandes villes américaines ont ajouté près de 50 000 kilomètres de voies supplémentaires – une hausse de 42% (alors que la population s’est accrue de 32% à ces endroits durant la même période). Toutefois, au lieu de diminuer, le taux de congestion routière a augmenté… de 144%!
L’étude confirme que le rythme de la circulation s’accélère après l’ajout de voies sur une autoroute, mais les automobilistes en profitent alors pour changer leur itinéraire et voyager sur de plus longues distances (l'attrait de la banlieue), sans compter qu’ils font moins d’efforts pour éviter les heures de pointe. De plus, certains usagers du transport en commun optent aussi pour la voiture en pensant sauver du temps.
Bref, après quelques années, le nombre de véhicules sur les autoroutes élargies finit par augmenter et on se retrouve avec le même problème qu’au départ. Faut-il alors recommencer à ajouter des voies? Poser la question, c’est y répondre, selon les auteurs de l’étude. »

Autre source :

https://blogs.letemps.ch/alberto-mocchi/2019/01/22/elargir-nos-routes-pour-fluidifier-le-trafic/

Enfin, rappelons aussi le paradoxe de Braess :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_de_Braess

En résumé, il est démontré qu’en fluidifiant la circulation, on augmente à terme la circulation. Autre preuve, a contrario : les villes qui veulent réduire la pollution restreignent les voies de circulation accessibles aux véhicules motorisés.
De plus, si vous estimez que l’accroissement du trafic routier par l’élargissement est un postulat, comment pouvez-vous écrire simultanément que « la création de la troisième voie permettrait de ramener des véhicules vers l’A 46 Sud ? »
Enfin, comment des véhicules en plus pourraient-ils limiter dans la proximité de cette voie de circulation l’empreinte carbone et surtout l’émission de particules nocives - même avec votre postulat d’une circulation plus fluide -, et de ce fait diminuer ces risques d’exposition à des risques sanitaires pour les riverains ?

D’avance, merci pour vos réponses.

Cordialement

Réponse

Bonjour,

Nous vous remercions de votre question.

Le projet de mise à 2×3 voies d’A46 Sud et aménagement du nœud de Manissieux, prévoit l’augmentation du trafic sur l’A46 Sud à la mise en service du projet en 2030 par rapport à la situation de référence :

• +15000 véhicules sur sa section nord ;

• +6000 sur sa section sud.

Ces croissances de trafic sont dues à l’augmentation prévisibles des déplacements locaux, d’échange et de transit, mais aussi à un report de déplacements qui actuellement évitent les congestions d’A46 Sud en empruntant le réseau secondaire non prévu à cet effet.

Ainsi, un des effets du projet est bien en effet d’augmenter la capacité de l’A46 Sud pour également capter les déplacements qui, faute de fluidité sur le réseau principal, empruntent le réseau secondaire (rue, voies départementale, …) et sont sources de nuisances et gênes pour les riverains et autres usagers (bus, cycles, …).

En lien avec ce qui a été présenté lors de l’atelier trafic du 7 septembre et les éléments ressources disponibles sur le site internet de la concertation, l’induction liée au projet a bien été évaluée avec le modèle de trafic, qui prend bien en compte la redistribution des trafics occasionnée par le gain d’accessibilité.

Par ailleurs, les études trafic réalisées intègrent, dans les projections de la demande, le développement urbain anticipé dans les documents de planification à l’horizon 2030 (et au-delà) permettant ainsi de modéliser les futurs besoins de déplacement dans la zone du projet.

Enfin, Il a été effectué des tests pour estimer le volume de report modal (vers la voiture depuis d’autres types de mobilité) pouvant intervenir suite à la mise en service du projet. Sur ce sujet, le modèle prévoit des volumes limités non significatifs dans le dimensionnement de l’A46 Sud.

Concernant les émissions de polluant liés à la circulation automobile. Lors de la réunion du publique en ligne du 24 août 2021, qui s’est tenue sur le thème de l’environnement, des précisions sur la pollution atmosphérique et la dispersion de la pollution routière ont été présentés et expliqués par ATMO AuRA, association spécialiste de la thématique pour la région.

Ainsi, malgré l’augmentation constante des trafics depuis 2007, la pollution atmosphérique s’est réduite d’au moins 30% pour les polluants principaux (Nox et particules fines) dans le Rhône sur la même période, cette tendance devant se poursuivre dans les prochaines années en lien avec l’amélioration significative du parc roulant français. Ces éléments sont disponibles sur le site internet de la concertation, onglet ressources.

De plus, sur A46 Sud, même si le trafic devrait s’intensifier, il prendra place sur une infrastructure moins congestionnée. Cela devrait permettre aux usagers de rouler à une vitesse plus constante, évitant ainsi les baisses subites de vitesse et d’accélérations soudaines, synonymes de consommations accrues de carburant et donc de plus d’émissions. Autre conséquence, avec une circulation plus fluide sur l’A46 Sud, les automobilistes vont préférer l’autoroute et se détourner du réseau secondaire et ainsi rouler à des vitesses proches des optimums d’émissions de polluants (cf. chapitre précédent) ce qui devrait permettre de réduire d’autant plus les émissions de polluants localement. Ces éléments sont également présentés page 89 du dossier de concertation.

Cordialement,

L’équipe projet A46 Sud